Le sommet d'Imja Tse n'était pas prévu au début de l'expédition mais, étant donné que les autres projets d'alpinisme n'ont pas abouti, j'étais hyper contente de réaliser cette ascension.
Comme beaucoup de choses dans ma vie, cette ascension s'est présentée de manière très spontanée. Je suis partie pour le trek de Khumbu, de Jiri. Je suis arrivée à Namche après 4 jours de marche, alors que cette distance se fait normalement en 6, assez fatiguée, et, après avoir longtemps hésité, j'ai décidé de prendre un jour de repos.
Une fois décidée à prendre un jour de récupération, en me promenant dans Namche, j'ai croisé par hasard une personne qui parlait anglais avec un accent espagnol très prononcé. On a engagé la conversation et comme j'adore l'espagnol, on est parti dans une longue discussion. Il s'appelait Victor. Il s'est avéré qu'il était colombien, qu'il était venu au Népal pour faire de l'alpi mais que, comme moi, il n'avait trouvé personne et que, plein de dépit et de désarroi, il s'apprêtait à repartir. Ma situation était très similaire: arrivée au Népal avec 35kg de matériel, je me suis retrouvée à ne faire que du trekking et à seulement observer les sommets qui me donnaient trop envie. Sans vouloir, j'avais même accepté l'idée de l'échec sur le plan de l'alpinisme. Et là, tout d'un coup, je croise une personne dans la même situation, quel hasard! 5 minutes plus tard, les projets de l'un et de l'autre ont été complètement changés et ma journée de récupération s'est transformée complètement en recherche du matériel nécessaire pour faire le sommet de l'Imja Tse, car j'étais arrivée seulement avec mes affaires de trek, et l'achat de vivres supplémentaires.
Au final, nous avons décidé de nous rencontrer avec Victor à Dingboche 2 jours plus tard, ce qui me laissait le temps de m'acclimater en faisant le petit sommet de Chukhung Ri (5559m).
Ainsi, quelques jours plus tard, on était en route pour le sommet. Heureusement, dans le village de Chukung, il est possible de louer du matériel car j'avais besoin de louer tout le matériel pour la haute montagne - crampons, piolet, casque, jumard, baudrier, mousquetons... Dans ce village, il y a deux endroits où l'on peut louer du matériel, plus cher et plus accessible. Déjà, il faut avouer qu'il n'y a pas un grand choix - par exemple il est difficile de trouver de bonnes moufles, il n'y a que des koflach en matière de chaussures, il n'y a pas de sacs de couchage, à la place desquels ils proposent des couvertures en laine, et pour les baudriers il n'y avait pas un grand choix - soit ils étaient tout éfilochés et je me demandais comment les lanières tenaient encore, soit il s'agissait de modèles super anciens où les lanières passaient derrière le dos. Mais franchement, partir avec un matériel qu'on utilise pas dans notre pratique habituelle, je dirais que ce n'est pas prudent, mais que je n'avais pas d'autre choix.
Du village de chukung jusqu'au camp de base de l'Imja Tse (à 5087m), on a mis deux heures, pour une distance d'environ 10 km, et 385m de dénivelé. Il fallait encore aller chercher de l'eau, sachant que pour le faire, on a besoin de 25-30 minutes aller, avec le temps de remplir l'eau, il faut compter une heure. D'ailleurs, si vous partez un jour pour ce sommet, je vous conseille d'avoir le plus de bouteilles possible afin de limiter les trajets pour aller chercher de l'eau.
La nuit était courte, nous avons dormi chacun environ 3h. Avec cette quantité de sommeil, ce n'est pas vraiment évident d'avoir beaucoup de forces, surtout à cette altitude, pour faire une bonne performance. Ainsi, nous nous sommes levés vers 1h et partis assez rapidement. Toutes les autres personnes qui sont parties pour le sommet ce jour-là étaient parties une heure plus tôt, car du camp de base au sommet, il y a 1030m de dénivelé à faire, et pour beaucoup qui ne sont pas bien entraînés ça prend la journée entière. La montée avant le glacier n'est pas du tout intéressante. Parfois il n'y a pas de sentier, il y a des cailloux qui roulent. Parfois c'est un peu la galère pour voir par où ça passe, surtout dans le noir. Au bout d'une heure et demi, on a commencé à voir les frontales de ceux qui étaient partis avant nous, puis on a commencé à les rattrapper. J'aais l'impression qu'on avançait pas, et pourtant on a doublé tout le monde. Mais étant donné que je n'avais dormi que 3h, je n'était pas très bien pour faire de la performance, en plus il y a des chances que l'altitude me ralentissait un peu. Ce qui était tout de même magnifique, c'était le lever de soleil, et surtout, quand on commence à atteindre 5600m, au coeur de l'Himalaya, du bassin de Khumbu, avec la vue sur l'Amadablang, toutes les cimes qui prennent des couleurs rouge, rose et oranger, c'est des moments forts... Enfin on est arrivés sur le glacier. Jusqu'au sommet, il ne restait pas tant, ni en termes de distance ni en termes de dénivelé, mais avec la nuit si courte et l'altitude, ça me paraissait interminable. On a traversé quelques crevasses, certains passages délicats sont équipés de cordes fixes, et on est arrivés au pied de la voie, le passage final de l'ascension, qui nous semblait être un mur vertical, malgré la présence de cordes fixes. Même si on avait opté pour équiper la voie nous-mêmes, mis à part les 2 canelures où il y avait les cordes fixes, il était très difficile de trouver un endroit où on aurait pu poser des sécurité, car soit la neige était du sorbet, soit il y avait quelques plaques de glace éparses, mais auquelles on ne pouvait pas vraiment faire confiance. De plus, la température commençait à monter de manière importante, ce qui dégradait la neige encore plus.
D'ailleurs, pour ceux qui n'ont jamais fait d'expédition au Népal, il est intéressant de voir comment est fait l'équipement des voies. Il y a plusieurs personnes qui équipent la voie, des Népalais qui ont un niveau correct pour la progression sur la neige et la glace. Les cordes sont bien usées mais, quand on est dedans, on a pas vraiment le choix.
Quand on s'est approchés de la voie, on s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de gens dedans qu'on avait pas encore eu le temps de doubler, mais qui étaient hyper lents. On avait l'impression que c'était figé. Ainsi, il nous fallait doubler chacun pour tenir à peu près le timing qu'on avait établi. Mais c'est vrai qu'une fois terminé la partie raide, il restait très peu à faire par l'arête, équipée de même de cordes fixes. Mais on était épuisés, on s'est assis dans la neige en se demandant ce qu'on faisait là, à attrapper si peu d'oxygène qu'il y avait dans l'air.Enfin, après avoir repris des forces, on est repartis pour le sommet, mais c'était vraiment interminable. A ce moment-là j'avais du mal à imaginer ceux qui, au même moment, étaient à 8000m. Déjà à 6000 on avançait plus lentement que des escargots, mais à 2000 de plus!!!
Enfin, on est arrivés au sommet, et là, le bonheur et la joie. Nous étions parmi les 20 premiers à arriver au sommet, sachant que c'était une véritable autoroute. Je ne pourrais pas dire combien de personnes étaient parties mais je ne pense pas trop me tromper en disant qu'il devait y en avoir dans les 200. C'était vraiment un moment mythique, car l'effort derrière nous, et le panorama, étaient inoubliables. Du sommet de l'Imja Tse, à 6173m, sont visibles: Lhotse (8501m), Lhotse Shar (8386m), Cho Polu (6695m), le col d'Ampfu Lapsa, et l'Amadablang (6856m). La frontière avec le Tibet est toute proche, la région dont je rêve chaque nuit.
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Bon, l'euphorie du sommet c'est bien, mais il y a encore la descente à faire, et les cordes fixes n'était pas bien gérées, dans le sens où tous ceux qui montaient et descendaient utilisaient les mêmes cordes, alors imaginez combien de temps et de peine prend cette descente quand on croise en permanence les gens qui montent sur la même corde. Enfin, on a descendu tout le glacier, on est arrivés sur la terre ferme, et là, on regardait le sommet et on était remplis de joie, à l'idée d'avoir fait ce sommet de 6000m qu'on ne prévoyait même pas, étant donné nos situations.
Le pire, c'est qu'on avait plus du tout d'eau et que la déshydratation commençait à se sentir. La descente a été très longue. On était au camp de base vers 14h et on était heureux de pouvoir boire presque à volonté. A ce moment-là, j'avais pitié pour les gens qui arrivaient à peine au sommet, et qui avaient encore tout à redescendre, alors que moi j'étais déjà au camp de base.
J'ai préparé mes affaires et nous nous sommes séparés avec mon compagnon, car il voulait se reposer au camp de base, et pour ma part je préférais redescendre rapidement pour pouvoir boire et manger à volonté.
Vers le début de soirée, je suis arrivée au village de Chukung et quand j'ai voulu rendre le matériel à Sunrise Shop, la personne a été très malhonnête avec moi, en me demandant ledouble du prix qui était convenu initialement. Je voulais payer déjà avant de partir, car je savais pour combien de temps j'en avais mais il avait refusé, et il avait refusé de m'écrire une facture en me disant qu'il se souviendrait de tout. Et là, surprise, je dois payer double de ce qui était convenu, j'étais verte de colère. Je veux bien payer plus cher, mais si c'est clair et convenu dès le départ. C'est un trait dont il faut vraiment se méfier avec les népalais. Dans ces vallées, chacun, ou la plupart, rêve de vous arnaquer et de vous faire passer pour un con. Malheureusement ils étaient plusieurs et j'étais seule donc c'était difficile de défendre la vérité...
Après cet épisode très désagréable, je savais quand même qu'il n'y avait que du bonheur qui m'attendait. Plusieurs bol de "Sherpani soup" et un lodge "bien isolé" (par rapport au camp de base où le vent souffle tout le temps).
Le lendemain je poursuivrai ma route vers Kongma La pass.