Sommet ouest de l'Elbrous (5642m)

Sommet ouest de l'Elbrous (5642m)

Itinéraire de l'ascension du sommet ouest de l'Elbrous

Les trains en Russie sont très longs. Le notre était Moscou-Naltchik (1874 km) et on a mis 34h pour parcourir cette distance. Il faisait super chaud, voire étouffant malgré toutes les fenêtres ouvertes avec les courants d’air, et la nuit au contraire il faisait super froid car il y avait des fenêtres qui ne fermaient pas.

Dans le train russe

Au final, on est arrivés vers notre destination. Quelqu’un nous a proposé un Marshroutka (minibus) et deux heures plus tard, on était à 10km de notre destination finale. C’était le village de Tirnauz et on ne pouvait pas aller plus loin car il y avait une grève et les voitures ne pouvaient pas passer. Alors, nous, avec nos “petits” sacs, on a marché 10 bornes en montée jusqu’au village de Terskol (c'était un petit échauffement avant l’objectif qui nous attendait).

La montée du sommet ouest de l’Elbrous se fait par la face sud et par la face nord. Initialement, j’avais le projet de monter par la face sud et de redescendre par la face nord mais si vous aviez vu la météo, vous auriez bien compris que c’était un délire inimaginable.

Le premier jour de montée, on est montés du village d’Azau (à 4km de Terskol et 2300m d’altitude) vers le refuge des Botchkis, ce qui nous a fait 1400m de montée. On a eu de la chance que les téléphériques fonctionnaient car j’ai pu négocier de monter nos sacs, alors ça nous a fait une bonne acclimatation avec un poids très léger.

Botchkis, c’est un refuge qui est bien différent des refuges auxquels on est habitués en France car c’est comme un petit village de 10 petites maisons qui sont des tonneaux. Il y a de l'électricité et du gaz sans limite. Il coûte 500 roubles (environ 12 euros) par personne et par jour.

Au refuge des Botchki

Alors le 2e jour de montée, on a fait une acclimatation jusqu’aux rochers de Pastoukhov a 4700m, ce qui nous a fait 1000m de dénivelé. C’était dommage qu’on soit partis tard car on était bien dans les basques pour aller jusqu’au sommet le premier jour.

Ascension de l'Elbrous
Ascension de l'Elbrous

Le lendemain matin, on est montés jusqu’au refuge “priyut 11” (300m).

Le quatrième jour, on a tenté l’assaut jusqu’au sommet, soit 1600m de dénivelé. Pour cela, on est partis a 3h du matin, pour la première fois depuis notre arrivée on avait une visibilité incroyable. Mais cette visibilité était expliquée par un vent très fort qui dégageait tous les nuages, et qui plus est était glacial. Jusqu’aux rochers de Pastoukhov, c'était encore supportable mais plus haut le vent est devenu encore plus féroce. Il était encore plus fort et encore plus froid. J'étais habillée avec 3 couches de pantalon et j’avais l’impression que j’étais nue à tel point le vent me passait à travers. On avait tous très froid aux mains et aux pieds. C’est la première fois que j’ai éprouvé un froid si fort. A chaque lever de pied, a chaque foulée, je sentais le souffle du vent a travers les chaussures. Malgré ces conditions de survie on est arrivé jusqu’au col qui s’appelle “Sedlovina” (5300m).

ascension de l'Elbrous
panorama de l'Elbrous
l'équipe

Bien avant, vers 5000m, tous les autres groupes ont renoncé mis a part un gars qui voulait faire le sommet et qui m’a demandé de se joindre à notre cordée. Et j’ai commis une erreur, je l’ai accepté (car par sa faute, on ne fera pas le sommet lors de cet assaut).

Sur le col de Sedlovina, on était déjà épuisés par le froid et quand même on persistait et on avançait plus loin. A partir de ce moment on avait le brouillard assez dense, on a sorti la carte, la boussole, l'altimètre et le GPS. Comme ça, avec ces peines, on est arrivés a 5550m. Il y avait un éperon rocheux suivi d’une pente qui nous paraissait assez raide, mais dont il était difficile de déterminer l’inclinaison exacte dans le brouillard, qui était recouverte de glace, et la situation était empirée par le vent, qui était fort. Le gars en question qui s’était joint a nous avait peur de s’y engager malgré le fait que j’ai proposé d’installer un relais. Il commençait de plus a présenter des signes de mal de montagne alors pour moi c’était le choix soit de le laisser nous attendre sous ce vent glacial et dans l’ambiance tout à fait hostile et nous-même faire le sommet ou bien redescendre avec lui. J’ai fait le choix de la descente. J’avais des regrets énormes par rapport au sommet mais ma lucidité me disait que j’avais fait le bon choix. On était dégoûtés, déçus, épuisés, d’avoir souffert pour rien du vent glacial qui avait commence a nous geler les mains et les orteils.

Une fois de retour au refuge, on ne savait pas si on voulait vraiment retourner dans des conditions si hostiles pour faire le sommet, ou bien abandonner pour être au chaud.

Après une bonne nuit de repos et après avoir reconstitué un petit stock de glycogène, nous nous sommes décidés a retenter l’ascension. La motivation qui m’a poussé était le fait que l’Elbrous fait partie des “7 summits” et que tôt ou tard il faudrait que je le fasse. Il valait mieux que ce soit maintenant et pas plusieurs années plus tard. En plus je rêvais de faire ce sommet depuis plusieurs mois.

Alors, le 6e jours, on est repartis. La nuit entière on a pas dormi, même une minute, le matin, déjà le début était dur. Cette fois-ci, on avait pas autant de vent mais a la place, on avait le brouillard et qui était tellement dense qu’on voyait maximum a 10 mètres. Physiquement, ce n’était pas les conditions les plus difficiles, mais pour l’orientation, ça présentait un problème considérable. Après on a eu le blizzard, la tombée de neige fraîche et le pire, on avait aucune trace et on devait tracer dans la neige nouvelle de 50cm d’épaisseur.

ascension de l'Elbrous

On a rencontré 2 groupes qui ont renoncé à faire le sommet dans de telles conditions tandis que nous, on savait qu’on voulait absolument le faire. Notre raisonnement était tel que depuis 6 jours on avait vu que 3 fois le sommet et le reste du temps, le sommet sommet était couvert, il n’y avait que le brouillard, la neige et le vent. Selon les personnes du coin, ces conditions pouvaient persister pendant encore 2 semaines. Alors on s’est dit, autant le faire ce jour-là. Vers le col de Sedlovina, le brouillard s’est épaissi jusqu’à une visibilité d’1-2m. Normalement, le sommet est bien balisé avec des petits drapeaux espacés de 3 à 50m. Là, les balises, on les voyait pas. Alors de nouveau on avait besoin de sortir la carte, la boussole, le GPS. C’était joyeux. Mon partenaire commençait à délirer, à force de ne pouvoir distinguer le haut du bas dans tout ce blanc. Malgré tout cela, on avançait plus loin. Bientôt on était sur l'éperon rocheux où on avait fait demi-tour lors du précédent assaut. Sans difficulté, on a franchit la pente qui suivait. Et là, on arrive sur le plateau, situé à 5600m, et là, le brouillard se disperse et on voit le panorama, éblouissant par sa grandeur. On a vu la mer de nuages, et les deux sommets de L’Elbrous émergeant comme deux îles sous le soleil. C’était un moment magique qui valait toutes nos souffrances, toutes nos peines.

ascension de l'Elbrous
au sommet de l'Elbrous

La descente a été longue car, sous le soleil, même pendant un quart d’heure, la neige s’est ramollie.

C’est un sommet qui ne présente pas de difficulté technique, ni même une très haute altitude. Son seul problème, c’est les conditions climatiques. D’ailleurs, c’était la première fois que j’ai compris ce que ça voulait dire. Au début, on est partis avec la tente, sac de couchage Odin de Valandré et réchaud à essence, pour poser le bivouac au col de Sedlovina, mais quasiment tous les soirs on avait des orages violents, alors on a dû renoncer a cette idée de camping.

La deuxième difficulté de ce sommet est la longueur de l’assaut final (1600m de dénivelé). Tous ces facteurs font que ce sommet est fait par une minorité des gens (selon les statistiques qu’on a eues au camp de base).

Maintenant je comprends très bien un de mes amis guide, qui, lorsque je l’ai invité, m’a répondu : “Non! Le Nord, j’y vais plus... J'ai tout donné.”

Les gens du coin disent que cette année est anormale car, normalement, en Juin il ne fait pas si froid et on m’a assuré qu’il fait plus chaud en Juillet. Sinon, pendant notre période, la température ressentie à l’altitude de 5000m, avec le vent fort, était de -30. Si on avait campé, on aurait eu dans la tente -15 ou -20.

J’ai toujours des idées “magnifiques”, j’avais pensé à faire ce sommet en Janvier. Les guides m’ont dit qu’à cette époque il fait -40 -50 là-haut, il y a du vent très fort, plus de neige et que la glace très dure. Alors si vous avez cette envie, réfléchissez-y bien.

au sommet de l'Elbrous